Vie quotidienne
Les principales religions albanaises: l'histoire et le quotidien
Dans cet article, nous vous donnons un petit aperçu des religions de l'Albanie : de leur présence dans la vie du pays et de leurs manifestations dans l'architecture, la géographie, les traditions, etc.
L'Albanie est reconnue dans le monde entier pour sa tolérance et sa tradition séculaire de coexistence amicale de différentes confessions.
Une affirmation extrêmement courante est que l'Albanie est le seul pays musulman des Balkans.
C'est vrai : l'Empire ottoman a introduit l'islam dans le pays au XVe siècle. Cependant, il est important de noter que le pays compte plusieurs religions très implantées, formant un cas unique au monde. En particulier l'orthodoxie, en raison de son voisinage avec la Grèce, et le catholicisme en raison de sa proximité avec l'Italie. A noter aussi la présence dans le pays du courant musulman Bektashi, due apparemment non pas à sa proximité, mais à son éloignement de la Turquie. Aujourd'hui, l'Albanie est considérée comme le principal « foyer » des Bektashi et, en 2024, le Premier ministre Edi Rama a annoncé la création à Tirana même d'un micro-État, l'« État souverain de l'ordre Bektachi », à l'instar du Vatican à Rome.

Cela a créé un paysage culturel unique. Les 40 ans de communisme du XXe siècle, au cours desquels toute religion était interdite et réprimée, ont également joué un rôle important dans l'évolution religieuse du pays. À cette époque, il était difficile pour toutes les confessions d'exister en Albanie. Il est notoire que l'idéologie communiste elle-même est construite sur une base similaire à la religion et veut la remplacer. Cela a conduit à un déclin marqué des pratiques religieuses en Albanie, qui se sont partiellement rétablies après l'effondrement du communisme dans les années 1990.
Vous trouverez ci-dessous quelques informations sur les principales religions albanaises : l'islam, le catholicisme, l'orthodoxie et le bektashisme.
Il convient tout d'abord de noter que l'Albanie est un État laïque. La vie religieuse est une affaire personnelle pour chaque citoyen. Les pratiquants actifs sont peu nombreux.
- 1. L'islam en Albanie
- 1.1. L'islam dans la vie quotidienne en Albanie
- 2. Orthodoxie et catholicisme en Albanie
- 3. L'orthodoxie dans le paysage albanais
- 4. Les sites catholiques en Albanie
- 5. Les Bektachis
- 6. Religions en Albanie sous le communisme
- 6.1. Exemples de transformations des lieux religieux
- 7. Tolérance interconfessionnelle en Albanie
1. L'islam en Albanie
L'islam est arrivé en Albanie au XVe siècle, lors de la conquête du pays par l'Empire ottoman. À l'époque, le territoire de l'actuelle Albanie était majoritairement chrétien — il y avait autant de Catholiques que d'Orthodoxes. Cependant, quatre siècles d'assujettissement ottoman et une politique impériale compétente ont conduit une partie de la population à accepter l'islam et à s'y convertir. L'islamisation de l'Albanie est très tardive : les Albanais n'ont commencé à se convertir à l'islam que très progressivement, à partir du XVIIe siècle. Aujourd'hui, selon certaines estimations, 57 à 62 % de la population albanaise se dit « Musulmane », mais il convient de noter que le nombre de ceux qui pratiquent réellement la religion est beaucoup plus faible. Il s'agit d'un islam sunnite.
1.1. L'islam dans la vie quotidienne en Albanie
Bien entendu, les grandes fêtes musulmanes, en particulier le Ramadan, sont importantes pour ceux qui pratiquent l'islam dans le pays. Presque toutes les villes d'Albanie possèdent des mosquées, comme la célèbre mosquée Efem Bey sur la place Skanderbeg à Tirana ou la mosquée Lead à Shkodër. Les mosquées albanaises ont leur propre style architectural.
Par ailleurs, vous ne rencontrerez presque jamais de femmes portant un hijab dans les rues d'Albanie.
Il convient également de noter la pénétration de la culture ottomane dans la vie quotidienne albanaise, notamment au niveau des plats rituels et des traditions culinaires.
2. Orthodoxie et catholicisme en Albanie
Selon diverses sources, entre 16 et 25 % de la population albanaise s'identifie comme chrétienne. La répartition entre Orthodoxes et Catholiques est à peu près égale (les données sont toutefois très différentes selon les publications scientifiques).
Le christianisme est arrivé sur ces terres à l'époque de l'Empire romain et s'est développé au fil des siècles, notamment sous la domination de l'Empire byzantin. Géographiquement, l'orthodoxie domine le sud de l'Albanie, tandis que le catholicisme est plus présent au nord. Sous la domination ottomane, de nombreux Albanais sont restés chrétiens, même si les perspectives professionnelles et financières n'étaient ouvertes qu'à ceux qui se convertissaient à l'islam.
3. L'orthodoxie dans le paysage albanais
La période byzantine a offert à l'Albanie de nombreux sites orthodoxes remarquables.
Les centres d'un certain nombre de villes anciennes datent de cette époque, ce qui a défini leur apparence. Par exemple, la forteresse de Berat appartient à la partie chrétienne de la ville avec ses églises orthodoxes, alors que le quartier de Mangalem ressort entièrement de la période ottomane.
Les principaux centres orthodoxes d'Albanie sont les suivants :
- la ville de Korça, dont le centre est dominé par la cathédrale de la Résurrection, de style byzantin typique très reconnaissable
- le village de Voskopoje/Voskopojë (près de Korça), avec de nombreuses églises datant de la période byzantine
- le monastère d'Ardenica (XIIIe siècle) près de Fierza
- le monastère de l'Assomption de la Vierge Marie (fondé au Xe siècle) sur l'île de Zvernec, près de Vlora.
Les grands peintres d'icônes d'Albanie ne doivent pas être oubliés dans cette liste du « leg » culturel de l'orthodoxie. En particulier le célèbre maître médiéval Onufri, principal peintre d'icônes du pays. Le musée d'Onufri est situé à l'intérieur de la forteresse de Berat, dans le bâtiment de la cathédrale de l'Assomption. Deux autres artistes, Kostandin Shpataraku et David Selenica, ont travaillé en Albanie et en Grèce, et leur héritage se retrouve dans les temples de Voskopoje et de Korça (fresques), ainsi qu'au musée d'art médiéval de Korça.
4. Les sites catholiques en Albanie
Les monuments catholiques sont situés dans le nord de l'Albanie. Les principaux sites sont Shkoder, Lezhe et Durres, qui ont conservé les ruines d'anciennes églises catholiques et des églises en activité. Le catholicisme a connu son apogée entre le XIIIe et le XIVe siècle, après la chute de l'Empire byzantin et pendant les croisades.
La plus grande église catholique d'Albanie est la cathédrale Saint-Etienne de Shkoder : c'est un lieu symbolique qui a beaucoup souffert. Construite sous l'Empire ottoman, la cathédrale a été transformée en gymnase sous Enver Hoxha. Son ornementation et même son clocher ont alors été détruits. Sa renaissance a suivi la chute du régime en 1990. C'est dans cette cathédrale que la femme albanaise la plus célèbre au monde, Mère Teresa (Teresa de Calcutta), a assisté à la première messe catholique organisée après la chute du régime communiste, en avril 1991. À l'époque, l'intérieur du bâtiment était encore semblable à un gymnase, et un autel avait été reconstruit à la hâte. Deux ans plus tard, en 1993, Jean-Paul II y a célébré une messe symbolique.
5. Les Bektachis
La doctrine bektachi est apparue au XIIIème siècle. Il s'agit d'un courant de l'islam soufi, avec ses propres traditions, ses pratiques spirituelles et sa doctrine.
Le bektachisme a pénétré en Albanie assez tardivement, aux XVIIIe et XIXe siècles, mais il y a gagné en force. Suite à la persécution des Bektachis en Turquie sous Kemal Atatürk, le siège de la communauté s'est déplacé en Albanie en 1929. L'Albanie est aujourd'hui considérée comme le centre mondial de ce courant religieux. Le gouvernement albanais a d'ailleurs proposé en 2024 la création d'un micro-État bektachi similaire au Vatican, en allouant pour cela aux représentants de cette religion une petite zone dans la capitale Tirana.
Selon diverses estimations, jusqu'à 15 à 20 % des musulmans d'Albanie appartiennent à cette tendance, mais il existe très peu de données fiables.
6. Religions en Albanie sous le communisme
Persécution des religions en Albanie sous le communisme - Régime d'Enver Hoxha
En 1944 Enver Hoxha, staliniste et communiste convaincu, est arrivé au pouvoir. Il a mis en place un système politique de la même obédience. Cela a conduit à une augmentation progressive des pressions sur les communautés religieuses, puis à une réelle répression, principalement à l'encontre du clergé. Les biens des religions - églises, mosquées, monastères — ont été nationalisés. Cela représente plus de 2 000 bâtiments au total. Le gouvernement de Hoxha était extrêmement opposé aux rassemblements de personnes au nom de la religion. Cela menaçait selon lui le régime et construisait une idéologie alternative.
Hoxha connaissait parfaitement les pratiques de l'Union soviétique à l'égard des Églises. Il en a repris un grand nombre en Albanie, de la répression des prêtres à la criminalisation de la simple possession d'une bible (pour laquelle des peines d'emprisonnement étaient prononcées).
Outre sa base idéologique antireligieuse, le gouvernement communiste albanais avait une vision marxiste de la société (c'est-à-dire « matérialisme scientifique ») et refusait toute autre conception concurrente. Mais il y avait une autre raison à la persécution des religions : le régime de Hoxha était paranoïaque et craignait les influences extérieures sur la société albanaise. Il voyait la menace partout.
Ainsi, les Musulmans devenaient des agents de la politique turque, les Catholiques étaient dirigés par des espions italiens et les Orthodoxes contribuaient au séparatisme grec dans le sud du pays.
La principale campagne antireligieuse du régime communiste a été lancée par Hoxha en 1967, au zénith de son pouvoir. À partir de cette date, toute pratique religieuse a été interdite en Albanie.
Les dommages causés au patrimoine culturel ont été irréparables. L'Albanie a perdu de nombreux monuments architecturaux. Les églises et les mosquées qui n'ont pas été démolies ont été converties en entrepôts, gymnases, piscines, musées, magasins, etc.
6.1. Exemples de transformations des lieux religieux
Quelques exemples de ces transformations :
- la mosquée Telelka de Berat a été en partie détruite après 1967, ce qui restait est devenu une usine de transformation du bois. Malgré le statut de monument architectural qu'elle a désormais acquis, on y travaille toujours le bois.
- la grande mosquée de Durres/Durrës a été utilisée comme local pour accueillir un centre d'animation pour la jeunesse
- la mosquée Kokonozi (1250) près du bazar de Tirana a été transformée en entrepôt alimentaire en 1966.
- l'église catholique du Sacré-Cœur de Tirana est devenue le cinéma Rinia.
Paradoxalement, c'est le détournement des bâtiments pour en faire un autre usage qui les a sauvé de la destruction, et nous permet de les voir aujourd'hui. Le reste – selon les estimations, 60 à 70 % des édifices religieux – a été irrémédiablement détruit.
Le retour des traditions et pratiques religieuses a commencé en Albanie en 1990, après la chute du communisme.
7. Tolérance interconfessionnelle en Albanie
L'Albanie est un pays étonnamment exempt de conflits religieux. Tout le monde le remarque : cela saute aux yeux. Des édifices de différentes confessions se trouvent à proximité les uns des autres dans les mêmes rues. Il n'y a pas de division géographique rigide par religion. En 2014, lors d'une visite en Albanie, le pape François a noté le degré surprenant de tolérance religieuse dans le pays.
Cela s'explique probablement en partie par des siècles d'ajouts progressifs de couches religieuses, qui ont conduit à une construction de l'identité sur la base de la géographie et de la langue plutôt que sur la religion. Lors des crises traversées par le pays, les Albanais en tant que nation ont été unis sur la base de leur communauté linguistique plutôt que sur le principe de la pratique religieuse.
Répartition religieuse de la population en Albanie
Selon une enquête de 2023, la répartition de la population albanaise par religion est la suivante :
- 46 % sont Musulmans
- 8,5 % sont Catholiques
- 7 % sont Orthodoxes
- 5 % sont Bektashi (Bektachi)
- 16 % de la population se déclare athée
- Les autres 18,5% se considèrent comme des croyants, mais disent n'appartenir à aucune confession particulière.