Gjirokastër - Forteresse d’argent – la ville de Pierre
Joyau incontesté de l'Albanie, Gjirokastra est une ville incomparable située dans le sud du pays, au cœur de l'impressionnante chaîne de montagnes Mali i Gjerë. C'est un endroit unique dans les Balkans, où vous pourrez remonter le temps au gré des petites rues blanches.
L'essentiel
Le centre historique de la ville a conservé son architecture ottomane, en lui ajoutant une patine locale. Les belles maisons de la noblesse, avec leurs tours élégantes en encorbellement, leurs murs épais, leurs pierres blanches, leurs balcons et leurs multiples fenêtres, sont les véritables gardiennes de l'esprit de Gjirokastra et de son originalité.
Gjirokastra a été surnommée « la ville de pierre » dans le roman d'Ismail Kadaré Chronique de la ville de pierre (Hachette, 1973), dans lequel l'écrivain dépeint sa ville natale avec amour ; c'est une ville de pierre vêtue de blanc, qui charme immédiatement le visiteur.
Par ailleurs, une influence grecque s'y fait également sentir : la Grèce n'est qu'à 30 kilomètres de distance. La ville abrite depuis des siècles l'une des plus importantes communautés grecques d'Albanie.
Belle et accueillante, Gjirokastra est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2005.
Histoire de Gjirokastra
Gjirokastra incarne l'histoire mouvementée des Balkans. Les monuments les plus anciens conservés dans la région remontent à la Grèce antique. Des explorateurs grecs ont fondé au IIIe siècle avant J.-C. la ville d'Antigona, à 14 km de l'actuelle Gjirokastra. Ce lieu a été transformé en un site archéologique qui peut se visiter. Au Moyen Âge, Gjirokastra était une cité appartenant au royaume d'Épire, successeur de Byzance. C'est à cette époque que la première mention écrite de la ville apparaît sous le nom grec d'Argyrókastron – la ville d'argent. Comme le reste des Balkans, la ville a ensuite été conquise par l'Empire ottoman, ce qui a laissé une marque notable sur son apparence. Elle a été particulièrement transformée sous le règne d'Ali Pacha, qui régnait alors de manière relativement autonome sur l'actuelle Albanie, la Macédoine du Nord et une grande partie de la Grèce.
Que faire et voir à Gjirokastra ?
- La citadelle
Aujourd'hui, la forteresse est ouverte ; elle est en bon état et accueille aussi un musée. La tour de l’horloge domine la citadelle. La plupart des bâtiments datent du début du XIXe siècle (période d'Ali Pacha), époque à laquelle ils ont été considérablement agrandis. On trouve également sur le site un trophée de guerre : un avion de l'armée de l'air américaine, obtenu d'une manière obscure pendant la guerre froide.
Tous les guides soulignent et répètent que la forteresse de Gjirokastra est la plus grande d'Albanie. Mais à notre avis, ce n'est pas sa taille qui la rend remarquable, mais son bon état de conservation, ainsi que ses richesses.
- les locaux de l'ancienne prison : elle a servi aux occupants italiens et allemands avant d'être utilisée pour les opposants politiques par le gouvernement d'Enver Hoxha.
- Le tunnel de la guerre froide
Attention à la confusion possible : il y a deux sites souterrains différents, que l'on pourrait confondre.
Tout d'abord, il y a un tunnel sous la forteresse, qui permet de traverser rapidement la montagne (il est aussi possible de la contourner, et ce n'est pas très long) et d'émerger de l'autre côté de Gjirokastra, au-dessus de la mosquée Xhamia Cfakë et de son quartier.
D'autre part, il y a un tunnel de près d'un kilomètre de long, il fonctionne comme un musée intitulé le "Tunnel de la guerre froide" qui est en réalité un bunker secret réservé aux dirigeants communistes. Il a été construit dans la montagne au pied de la forteresse pour servir d'abri en cas de guerre nucléaire. Il faut être accompagné par un guide du musée pour faire la visite, qui dure environ 30 minutes. Mieux que n'importe quel récit historique, en visitant ce bunker vous ressentez l'atmosphère de la guerre froide et la vision du monde qu'avaient les dirigeants communistes d'Albanie.
Pour en savoir plus sur les bunkers en Albanie cliquez ici.
Tout aussi important (et peut-être même plus) est le panorama époustouflant sur la ville et les montagnes alentours:
- Le vieux bazar (le centre historique de Gjirokastra)
Comme dans tout bazar, les rez-de-chaussée des maisons accueillent de nombreuses boutiques. On y trouve de tout : des souvenirs industriels comme des objets d'artisanat faits à la main et des objets d'art. C'est un lieu incontournable pour trouver les souvenirs qui raviront vos proches et décoreront vos maisons.
Le quartier du vieux bazar est bien plus qu'un lieu touristique : c'est le centre d'attraction de toute la ville. C'est ici que les habitants se rencontrent autour d'un café, discutent de leurs affaires. On y ressent le rythme de Gjirokastra à l'ombre des maisons blanches et au son des discussions en albanais, et on voyage dans le temps en foulant les tapis typiques qui parsèment les pavés de ses rues.
- Musée ethnographique (dans la maison d'Enver Hoxha)

C'est un curieux musée dans lequel on peut découvrir la vie quotidienne dans une maison ottomane typique, la répartition des rôles entre les époux, les traditions et les fêtes, la structure des habitations. Le bâtiment actuel a été reconstruit à l'époque d'Enver Hoxha, entre 1964 et 1966 ; il ne s'agit pas de la maison exacte où le futur autocrate est né.
- Musée Ismail Kadaré
Le musée du plus célèbre écrivain albanais, né à Gjirokastra, a ouvert ses portes dans sa maison ancestrale en 2018. La maison elle-même a été construite en 1799 dans le style ottoman typique de la ville. C'est un autre témoin intéressant de l'époque et de l'organisation de la vie quotidienne locale. Fait intéressant, Ismail Kadaré a vécu une grande partie de sa vie en France, après avoir demandé l'exil politique en 1990. Il est décédé en 2024.
- Maisons ottomanes de Gjirokastra :
La maison Skenduli appartient toujours aux descendants de la famille qui l'a construite au début du XIXème siècle. Elle a abrité un musée ethnographique pendant l'Albanie communiste : l'État a alors réquisitionné la maison à la famille. A la fin de la dictature, elle a été rendue à ses propriétaires d'origine. La famille entretient elle-même de la maison et la restaure progressivement. Contrairement à la maison de naissance d'Enver Hodxa, qui a été reconstruite dans les années 1960, les matériaux, le mobilier et les détails d'origine sont beaucoup mieux travaillés.
Options pour visiter Gjirokastra
Les touristes viennent en masse à Gjirokastra, généralement l'après-midi, lors d'un arrêt sur leur itinéraire reliant Saranda à Korça. Ils se promènent dans le bazar, achètent des souvenirs et repartent. C'est certainement mieux que de ne pas venir du tout, mais cette approche semble assez limitée.
Le voyageur curieux trouvera beaucoup à voir et à faire à Gjirokastra, au-delà de l'achat de souvenirs. D'ailleurs, Gjirokastra est très différente le matin et le soir, c'est pourquoi il est préférable d'y passer la nuit, pour découvrir ses deux visages. D'autant plus que l'air de la montagne permet de bien se reposer.
Outre la visite de la forteresse de Gjirokastra, vous pouvez grimper dans les montagnes à la découverte de l'aqueduc d'Ali Pacha. De là, vous aurez une vue tout à fait inattendue sur la forteresse elle-même. En vous promenant, vous rencontrerez des bergers et des agriculteurs, vous ressentirez le dénivelé d'une rue à l'autre.
Un tunnel sous la forteresse permet de rejoindre l'autre côté de la ville.
Dans la vieille ville, vous pourrez faire le tour du bazar, déambuler le long des rues au charme suranné, apprécier le visage particulier de chacune : vous vous perdrez agréablement dans le labyrinthe qu'elles forment, malgré la taille apparemment réduite du quartier.
Il est également intéressant de faire un tour dans le Gjirokastra « moderne », un quartier du XXe siècle situé près du stade, qui n'a rien d'historique mais qui est également agréable.
Il y a beaucoup de bons restaurants dans la ville, et la vie touristique se mêle de manière assez organique au mode de vie traditionnel des habitants. Il est impossible de qualifier la ville de simple « marché aux souvenirs ».
Un conseil exclusif pour les voyageurs qui viennent en hiver (novembre-février) : montez sur la forteresse à l'aube et, si vous avez de la chance, vous verrez un paysage des plus fascinants - le brouillard descend des montagnes sur Gjirokastra, la ville est absorbée par une ouate blanche (comme dans la nouvelle de Boris Vian « L'amour est aveugle »), puis peu à peu ses contours se redessinent.
En résumé, deux jours devraient suffire pour visiter cette ville, qui vaut bien mieux qu'une escale de deux heures.
Où dormir à Gjirokastra ?
L'offre d'hébergement dans la ville est vaste, avec des hôtels et des chambres dans le secteur privé. Il y a peu de grands hôtels à Gjirokastra en raison de la taille réduite de la ville. C'est peut-être ce qui lui permet de ne pas être envahie par des foules de touristes. Cependant, en haute saison, il peut être assez difficile de trouver un logement. Notre principale recommandation est de trouver un logement dans le centre de la ville : il vaut mieux donc s'y prendre à l'avance.
Nous pouvons distinguer les types d'hébergement suivants :
- les hôtels relativement grands comme Argjiro (4*) ou Çajupi (4*). Les services et les équipements proposés sont au niveau des standards mondiaux.
- Mini-hôtels : c'est une bonne option pour ceux qui recherchent un hébergement plus authentique. Les services ne seront pas forcément ceux d'un hôtel classique (par exemple, il peut ne pas y avoir de réception ou de ATM), mais ces hôtels sont le plus souvent situés dans la vieille ville et dans des bâtiments anciens. Par exemple, le joli hôtel Kodra, qui possède une vue sur les montagnes et son propre restaurant. Ou encore Kalemi, une maison locale typique avec des murs en pierre et des plafonds en bois.
- Maisons d'hôtes (guests houses) : des particuliers louent soit des chambres individuelles, soit une partie de la maison (par exemple, un étage). Nous vous conseillons de lire attentivement la description du logement : il se peut par exemple qu'un « logement indépendant » n'inclue pas sa propre cuisine.
- Louer un appartement : cela fonctionne aussi à Gjirokastra, vous pouvez louer votre logement sur airbnb ou booking.com.
Où manger à Gjirokastra ?
Gjirokastra compte une importante communauté grecque. Vous pourrez donc goûter non seulement à la cuisine albanaise, mais aussi à la cuisine grecque, avec des plats comme la moussaka, les dolma ou les souvlaki.
Quand venir à Gjirokastra ?
Chaque période a ses avantages et ses inconvénients. Vous pouvez vous orienter en fonction de vos préférences.
Voici quelques conseils :
En haute saison (juin-août), Gjirokastra accueille beaucoup de voyageurs. Il peut être difficile de trouver un logement dans le centre. Il peut aussi faire chaud dans la journée : mieux vaut donc prévoir une petite sieste et se promener le matin ou après 15 heures. Cependant, tout est ouvert (musées, cafés, hôtels), les longues heures de clarté permettent de se promener jusque tard dans la soirée, et la ville est très active.
En hiver, Gjirokastra compte peu de touristes. Vous ne faites pas la queue et pouvez choisir n'importe quel hôtel à un prix très attractif. Toutefois, tous les restaurants ne sont pas ouverts et les musées ne travaillent qu'à mi-temps. Il est important d'en tenir compte lors de l'élaboration de votre programme.
5 choses incontournables à faire à Gjirokastra :
1. visiter la forteresse et apprécier la vue sur les montagnes et la ville
2. manger de la cuisine grecque avec un accent albanais dans l'un des restaurants locaux
3. entrer dans au moins une des maisons ottomanes et découvrir comment les Albanais vivaient au XIXe siècle
4. prendre un café dans le quartier du vieux bazar et se laisser bercer par les discussions en albanais.
5. si vous n'avez pas peur de l'effort physique, grimper jusqu'au pont Ali Pacha (idéalement le matin, lorsqu'il est bien éclairé).